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07
Sep
10

L’Art Martial comme Voie ( Dô ) d’évolution et d’éducation.

L’Art Martial comme Voie ( Dô ) d’évolution et d’éducation

par son action sur les structures du « cerveau triunique »

Pierre Chalmagne Hanshi DNBK

INTRODUCTION

Selon la théorie de Paul Mac Lean, nous disposons de trois cerveaux qui retracent l’évolution de l’humanité : le cerveau reptilien, le cerveau limbique et le cerveau cortical. Ces « trois cerveaux en un » (appelés pour cela «cerveau triunique») induisent des perceptions et des comportements hautement différenciés. L’art martial est en fait une psychomotricité intégrée au niveau des structures de ce cerveau triunique. L’art martial favorise aussi son fonctionnement harmonieux. Violence et agressivité sont au cœur de l’être : il convient donc de les contrôler ou de les détourner par la pratique martiale.

LE CERVEAU REPTILIEN : COMMANDE LES REFLEXES

Il constitue la mémoire des acquis ancestraux. Il est le centre des acquisitions antérieures, des habitudes et du rituel. C’est le substrat biologique nécessaire à une certaine violence fondamentale mise au service de la survie (bujutsu) quand l’espèce est menacée. Il caractérise aussi le Budoka dans ses attitudes persévératrices et ses comportements répétitifs : dans le kihon, les kata et les modèles standardisés de défense. Une émotion intense provoque également une réaction du système limbique qui bloque alors toute réactivité de la zone corticale. En conséquence, dans une situation de danger, c’est le cerveau reptilien qui prendra les commandes.

LE CERVEAU LIMBIQUE : COMMANDE LES EMOTIONS

La nature a doté le cerveau reptilien d’une « coiffe pensante » pour le libérer des comportements stéréotypés, génétiquement programmés. Il comporte trois secteurs. Le premier joue un rôle dans l’agressivité et la violence. Le second, fortement connecté au premier, concerne l’auto-protection : se nourrir, combattre et se protéger. Le troisième concerne la communication orale et le comportement de jeu. Les 2 étages ( reptilien et limbique ) activent l’esprit du clan et la socialisation. Le groupe martial, très hiérarchisé, peut prendre toutes les apparences de la famille, du clan et de la société.

LE NEO-CORTEX : COMMANDE LA REFLEXION

Il a été créé pour secourir le système limbique qui, inondé de signaux extérieurs, a besoin d’une analyse rationnelle pour la prise d’une décision. C’est un ordinateur impitoyable, au service des raisonnements froids. Pour tempérer cette tendance, la nature lui a adjoint au cours du temps UN CORTEX PREFRONTAL. Ce dernier permet de relier les expériences du passé et du présent, d’anticiper et de concevoir des projets pour nous même et pour autrui. Il nous permet d’analyser nos sentiments et ceux des autres. Il est le siège de l’empathie.

Cette zone ne serait pleinement fonctionnelle qu’après les changements hormonaux de l’adolescence. L’instructeur doit donc inciter les jeunes à faire montre d’empathie le plus souvent possible, puisque pour qu’une fonction se développe pleinement, elle a besoin d’être exercée sans cesse.

LA SPECIALISATION HEMISPHERIQUE DU CERVEAU

Roger Sperry a obtenu le prix Nobel pour ses travaux sur la différenciation entre les deux hémisphères cérébraux. Les deux cerveaux s’informent constamment mutuellement et permettent une action coordonnée.

Les traits typiques de l’hémisphère gauche sont l’approche rationnelle, logique, objective et verbale.

Les traits typiques de l’hémisphère droit sont l’approche non rationelle, intuitive, subjective et le déchiffrage des comportements non verbaux.

La spécialisation hémisphérique du cortex est largement mise à contribution dans la pratique des arts martiaux. Les débutants qui mémorisent les mouvements ou les kata font appel à l’hémisphère gauche, par une approche intellectuelle et rationnelle. Mais c’est l’hémispère droit, le spatial, l’artistique, l’intuitif, qui permettra aux plus avancés d’acquérir souplesse, rapidité, précision, puissance et beauté du geste. La pratique du Zen, des arts martiaux et des arts nippons active et ouvre le cerveau droit en empêchant une interférence trop grande du cerveau gauche, privilégié dès l’enfance par notre éducation occidentale très cartésienne.

EN CONCLUSION

Les vertus martiales (Butoku), comme la courtoisie, le respect, le courage, etc. sont des valeurs attribuées au cortex préfrontal, elles sont renforcées par la pratique des Budo.

Pratiquer les arts martiaux est donc l’une des manières les plus efficaces de décrypter la violence et de la recycler en énergie positive. Cette pratique est un des axes possibles pour atteindre «la cessation de la  violence» qui est la vraie signification du concept «Budo».

La conduite correcte des arts martiaux constitue une méthode de psychomotricité intégrative, une méthode d’évolution et d’éducation, une thérapie de la violence. Le Budo éthique apaise les agressifs et stimule les timorés. J’ai expérimenté cet effet régulateur des arts martiaux, sur les adultes, mais  surtout sur les enfants de 7 à 11 ans et les adolescents de 12 ans à 18 ans, pendant mes 40 années d’enseignement.

L’objectif des arts martiaux est d’harmoniser le fonctionnement cérébral et faire de son « triple discours» souvent dissonant, une seule et même voie harmonisée. L’intégration des trois niveaux de notre cerveau permet une psychomotricité authentiquement harmonieuse et un bon équilibre entre le corporel, le spirituel et l’émotionnel. C’est le travail de toute une vie !

La pratique des arts martiaux devra être à « géométrie variable », selon l’âge, le sexe, les capacités et les possibilités personnelles de chacun. Mais de toute façon, pour atteindre son objectif de réduction de la violence, elle devra harmoniser les trois centres du cerveau et ses deux hémisphères.